L’interview de Lilian Thuram

  Quand vous aviez quitté Parme pour rejoindre la Juve, le Barça avait envisagé de contrer l’offre turinoise et puis ça ne s’est pas fait, mais aujourd’hui vous êtes ici des suites du « Moggigate »… Je suis certain qu’ils me voulaient mais il n’y a jamais eu quelque chose de concret. Une fois un joueur m’a dit que le Barça voulait trois joueurs de la Juventus, et l’un d’entre eux c’était moi. Désormais, je suis ici, et j’en suis très heureux. Du reste, la Juve méritait des sanctions pour les actions frauduleuses de certains de ses dirigeants. Pourquoi vous sentez-vous si bien ici ? Ici il n’y a pas besoin d’un temps d’adaptation, ça respire la joie, ici tout le monde est ensemble. Le groupe est très fort, ce qui est la base pour que les titres suivent, et en tant qu’équipe nous allons être très difficile à battre, en Liga et en Ligue des Champions. Et pour ma part je vis un véritable rêve que de m’entraîner au Camp Nou en tant que joueur du Barça. Etes-vous prêt à débuter le match de Supercoupe ? Je n’ai passé que très peu de temps avec l’équipe, mais j’ai joué 45 minutes à New York et je me suis senti assez bien. Si l’entraîneur pense que c’est opportun, je serais totalement préparé à jouer jeudi, même si à priori Rijkaard devrait s’appuyer sur la charnière de la saison passée. Quand les joueurs répondent présents, il est normal que l’entraîneur leur fasse confiance. Vous avez une philosophie de la vie très spéciale… Ah oui ? Ma foi, si les gens le disent… Comment une personne comme vous, avec tant d’inquiétudes, affronte-t-elle le monde du football ? Je pense que le football c’est comme la vie. Et dans mon cas, cela fait partie de ma vie. Je suis une personne, mais aussi un footballeur. Je crois que dans la vie et dans le football, on fait toujours les choses pour son bien, on donne le maximum, respectant par-dessus tout les règles et en essayant de prendre du plaisir avec ce que l’on fait. En tant que défenseur, vous êtes aux antipodes de la brute lente. Vous êtes confronté aux meilleurs attaquants et souvent vous prenez le dessus en ne faisant que peu de fautes, et encore moins d’être sanctionné d’un carton (sa moyenne globale de cartons tourne autour de 0,22 par match). Quel est le secret ? L’anticipation ? Non, non ce n’est pas une question d’anticipation bien au contraire mais simplement essayer de ralentir l’adversaire sans enfreindre le règlement. Et comment ça s’apprend ou se peaufine ? Est-ce le fruit de l’expérience ? Non. Cela est du à l’équipe avec laquelle tu joues car c’est toujours l’équipe qui te permet de progresser. Quand tu fais parti d’une grande équipe, tu as à tes côtés de grands joueurs, qui te facilitent la tâche et permettent de prouver qu’un arrière n’est pas obligatoirement un joueur qui tacle ou qui démolit ses adversaires. Vous dites que c’est l’équipe qui a fait Thuram, mais elle est bien heureuse de vous compter parmi les siens… Pour moi le plus important est que tous les éléments d’un même groupe comprennent que ce qui prime c’est l’équipe parce qu’ainsi cette équipe est grande, en défense, en attaque et à tous les niveaux. Etes-vous un missionnaire du football ? C’est pour ce qui est dit dans ma biographie non ? Enfant, j’étais très croyant et je voulais devenir curé car il était la personne la plus respectée du peuple, mais ça a bien changé. Ma vie est toute autre. Est-ce que ça vous plairait de jouer pour la Guadeloupe, où vous êtes né ? La Guadeloupe peut prendre part à la Gold Cup (réservée aux équipes de la zone CONCACAF) et quand j’aurai mis un terme à ma carrière professionnelle ça m’enchanterait de jouer avec la sélection, même pour une seule fois. Je pense que ce serait quelque chose d’important. Vous avez expliqué que vos enfants étaient des inconditionnels de Ronaldinho. Pourquoi l’admirent-ils ? Pourquoi ? Mais quelle question ! Pourquoi tous les enfants du monde sont fans de Ronaldinho ? Parce qu’en voyant Ronaldinho, ils pensent que le football c’est facile, parce qu’il sourit tout le temps, parce qu’il est très bon techniquement et parce que tous veulent être comme lui. Et vous aussi ? Eh bien, dans une autre vie… s’ils me demandaient à choisir entre être Thuram et être Ronaldinho, je choisirais Ronaldinho, je m’amuserais beaucoup plus. Plus jeune, il vous est arrivé de jouer milieu de terrain. Avez-vous envisagé parfois de changer poste ? Non, je suis bien ainsi. Vous êtes en relations avec des personnalités telles que Nelson Mandela ou Kofi Annan et aujourd’hui vous partagez le vestiaire avec de grands joueurs. Est-ce un privilège ? Je ne me perçois pas comme quelqu’un de spécial, ni plus ni moins, mais je pense que je suis très chanceux. Je suis joueur de football et j’ai la chance de pouvoir faire ce qui me plait le plus. Que pensez vous de Puyol maintenant que vous le connaissez ? La vérité est que jusqu’à présent nous n’avons pas tellement discuté, mais ça se voit que c’est un joueur pour qui l’équipe est au dessus de tout. Il est très généreux sur le terrain. Quand tu le vois en action, tu vois comment est le personnage. Et c’est valable pour tous les joueurs : ils jouent comme ils sont, tu joues comme tu es. Est-ce qu’un tandem de défenseurs centraux formés par Thuram et Puyol puisse inspirer le respect comme beaucoup le laisse entendre ? Ce n’est pas la question, comme je l’ai déjà dit l’important c’est l’équipe. Márquez est très bon, Edmilson aussi tout comme le reste de l’effectif. Et il est capital que nous soyons toujours à la disposition de l’entraîneur et prêt à donner le maximum. Alors selon vous, quelle est la meilleure défense actuellement ? C’est difficile à dire. Mis à part les joueurs du Barça, qui logiquement sont très bons, parce qu’ils ont contribué largement à la conquête de deux Ligas consécutives et la Ligue des Champions, je connais très bien Fabio Cannavaro, avec qui j’ai joué pendant 10 ans, il y a Sergio Ramos qui a attiré mon attention. Il peut devenir un très grand joueur. Vous avez 34 ans et pourtant vous en paraissez 10 de moins. Quel est votre secret ? Je donne l’impression d’avoir 24-25 ans, c’est vrai ? (rires) Je pense que la Nature a été bonne avec moi, même s’il faut savoir faire attention. A votre âge, le mieux pour vous est d’évoluer dans l’axe de la défense ou sur le côté droit ? Vous en avez discuté avec Rijkaard ? Non, nous n’en avons pas parlé. Mais je pense que tout le monde sait très bien où je me sens le mieux. Que peut apporter Lilian Thuram à ce Barça champion ? Mon expérience personnelle, ma manière de jouer et de faire. Et que pensez vous de Messi ? Pour être honnête, je ne le connaissais pas trop, mais depuis que je suis ici, il est de loin le joueur qui m’a le plus impressionné : il a 19 ans et il fait des choses incroyables. J’espère pour son bien qu’il parviendra à laisser éclater tout son talent et qu’il axe son travail sur ce but précis. Comment sont vos rapports avec Samuel Eto’o, qui lui aussi défend la cause antiracisme ? Nous nous connaissons depuis longtemps et nous nous entendons à merveille. Existe-t-il un meilleur attaquant que lui à l’heure actuelle ? Je ne le pense pas. Et je ne dis pas cela parce que nous sommes désormais coéquipiers, je le pensais bien avant. Eto’o n’a pas le respect qui lui est dû. C’est un joueur fondamental, qui peut mettre à mal n’importe quel type de défense. Il est rapide, précis, fatal. Ronaldinho-Eto’o-Messi, la meilleure triplette d’attaquants au monde alors ? Je ne suis pas de cet avis : le plus important c’est l’équipe, même s’il est certain qu’il est difficile de trouver meilleurs joueurs que ceux-là.  Cela vous parait-il normal que Giuly n’ait pas été retenu pour le Mondial ? Ça a été incroyable pour moi qu’il n’ait pas été sélectionné. Quand tu fais parti d’une équipe comme le Barça il semble logique qu’on fasse appel à toi, mais ce fût la décision de l’entraîneur. Quel est votre opinion concernant Abramovich ? Quelqu’un comme lui est bon ou néfaste pour le football ? Pourquoi serait-il mauvais ou néfaste ? C’est la règle, tout se négocie : le moyen achète les joueurs du petit et le grand ceux du moyen en offrant plus d’argent que la concurrence. Simplement il dispose de plus d’argent. Et Maradona ? Pensez-vous qu’il pourrait faire plus pour le football ?

écrit par FC-Barcelone.com

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